L’ENJEU DU PASSEPORT DE TOURISTE AU LENDEMAIN DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE
HISTORIAS DE FRONTERA.
FRONTERAS CON HISTORIA
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après le constat établi par le ministère de la Guerre, des services de police
et des gouverneurs civils, qu’une grande partie des jeunes en âge d’accom‑
plir le service militaire, sortis avec un passeport de touriste, ne retournent
pas au Portugal. Il est alors maintenu la même législation concernant les
peines encourues pour émigration clandestine. D’autre part, il donne
l’ordre de refuser le passeport de touriste aux jeunes hommes de moins de
16 ans, et de décourager la sortie de la famille de l’émigrant, notamment
des enfants en âge scolaire qui n’ont pas encore accompli la scolarité obli‑
gatoire, sans restreindre la liberté du gouverneur civil à décider qui est
autorisé ou non à sortir. Mais surtout, l’enquête utilisée pour déterminer
les intentions des requérants va être remise en vigueur, et ce jusqu’en
janvier 1975.
Durant les années 50 et 60, l’État va édifier, en fonction de ses besoins,
selon la conjoncture internationale et les comportements migratoires, un
vaste bagage législatif. Ce bagage va lui permettre de renforcer le contrôle
sur les procédures de délivrance du passeport de touriste utilisé pour émi‑
grer illégalement, augmenter les mesures répressives contre les émigrés
en situation irrégulière et contre les intermédiaires. L’ambigüité qui plane
sur certains aspects de la législation sur le passeport de touriste confère
au pouvoir local la liberté d’organiser la procédure.
Si les directives proviennent directement du pouvoir central, ce sont
les autorités locales – en particulier les gouverneurs civils – les principales
responsables de leur application concrète. Elles sont les seules à pouvoir
gérer les demandes de passeport de touriste, tout en prenant en considé‑
ration les tensions véhiculées par l’émigration irrégulièreet légale au sein
de la société locale. La position géographique et sociopolitique stratégique
du gouverneur civil dans chaque district, alliée à la marge de manœuvre
qui lui est conférée par l’administration centrale pour l’application de la
loi, permet à chacun de les adapter à l’échelle locale en fonction des in‑
térêts qui peuvent diverger entre l’élite modernisatrice et conservatrice.
La même procédure d’acquisition du passeport est en règle générale ap‑
pliquée par tous les gouverneurs. Ils usent de moyens en partie non ré‑
glementés par la loi et utilisés à outrance face à la pression exercée par le